LE DEGRÉ DE « CRIMINALITÉ » DE L'AVORTEMENT
 
 
 

La vie se préserve mieux qu'autrefois avec les mesures qu'on prend en matière d'hygiène et de médecine. Donc la limitation de la natalité devrait aller de pair pour que les populations soient stables comme lorsqu'on faisait plus d'enfants qu'aujourd'hui tout en ayant une forte mortalité, ce qui revenait au même mais avec plus de souffrances. Maintenant il est devenu impératif de moins procréer parce que l'humanité ne cesse d'augmenter sur Terre. Pour cela il faudrait soit s'abstenir de l'acte sexuel, exigence inapplicable à tout le monde, soit user de divers moyens de contraception, plus faisable quand même, soit interrompre la grossesse de femmes qui ne veulent pas accoucher, mais en dernier recours on va dire, le parachute de secours en quelque sorte.

 
 
 

Mais en France si un bon tiers de siècle après l'adoption de la loi qui autorisait l'avortement leur nombre reste toujours stable c'est surtout à cause des ratés de la contraception. Si donc cette dernière était plus fiable cela ferait diminuer d'autant le nombre d'IVG et pourquoi pas le faire disparaître complètement à plus ou moins long terme.

 
 
 

Certains pensent que la vie qui se développe à l'intérieur d'une femme est déjà une parcelle de l'humanité et qu'il ne lui appartient pas de l'abréger. On se dit que si elle ne veut pas de l'enfant en devenir, qu'elle le garde au moins jusqu'à l'accouchement pour le donner à une autre après éventuellement plutôt que de s'en débarrasser purement et simplement, ce qui serait une solution de facilité. Mais encore faudrait-il que cette femme soit dans des conditions matérielles et psychologiques telles qu'elle veuille bien aller jusqu'au terme d'une grossesse dont l'issue serait destinée à une autre personne finalement.

 
 
 

L'avortement est quelque chose d'entièrement artificiel certes. Mais il y a aussi des interruptions de grossesse naturelles qualifiées de « fausses couches ». Et en plus on pourrait compter le fait que l'œuf n'étant pas assez développé dans les trompes de Fallope pour se fixer dans l'utérus s'évacue avec les règles, un cas de figure passant totalement inaperçu mais qui se produit bien davantage probablement que de ce qui se fait volontairement pour ne pas poursuivre une grossesse non désirée.

 
 
 

L'IVG est autorisé en France. Mais la femme qui tue son nouveau-né fait l'objet de poursuites parce qu'on considère sans doute que celui-ci fait déjà partie de notre humanité. Mais pour naître on doit bien avoir été fœtus avant. La société devrait donc avoir son mot à dire sur l'existence d'un de ses membres en cours d'élaboration. Encore faudrait-il qu'elle soit au courant, même sa mère ne s'en rendant pas forcément compte en cas de déni de grossesse en particulier.

 
 
 

Et donc si on voulait agir en toute clarté il faudrait peser régulièrement toutes les femmes étant en âge d'enfanter, une augmentation de poids entraînant un examen gynécologique. Ce faisant on pourrait anticiper à tous les niveaux, soit avant la naissance pour interrompre la grossesse, soit après pour voir ce qu'on fait de l'enfant et à qui on le donne si sa mère ne veut pas le garder bien sûr.

 
 
 

Plus fondamentalement l'avortement fait l'objet de débats houleux entre ceux qui en admettent la nécessité et ceux qui s'y opposent farouchement. En fait la confrontation est d'ordre idéologique. Elle porte sur une divergence profonde, celle de dire si le fœtus est ou non une personne, un être humain à part entière ayant une « âme » d'un point de vue religieux, ce qui est impossible à prouver. C'est un peu comme de croire ou non en Dieu ou au fait que l'animal est ou pas conscient de son existence. Et donc étant une question d'opinion personnelle il devrait être possible de faire ce qu'on veut, car ne doit avoir force de loi que ce qui se base sur l'évidence et non d'après ce que croient tels ou tels.

 
 
 

Ce problème aurait un lien de parenté avec celui des premiers hominiens par le fait, l'être humain conscient ne se manifestant formellement comme tel dans la Préhistoire que par les traces d'outils laissées, spécificité de l'homme vis-à-vis des animaux. Un outil c'est quelque chose de construit à l'avance, le fruit de la réflexion et de l'imagination de ce que cela pourra donner avant de s'en servir. Donc il a un minimum de complexité et fait appel à l'intelligence et à la faculté d'anticiper. Mais le plus important c'est que sa création est motivée par le désir d'améliorer sa façon de vivre, chose qui n'est propre qu'à l'homme et qui est à l'origine du progrès justement parce qu'il a une âme.

 
 
 

Ce qui fait la différence d'avec l'animal de par son degré de conscience est bien tranché par conséquent même si le passage à cet état est très progressif. Il en aura fallu plusieurs millions d'années à l'hominien ; et deux ou trois ans pour le moins à l'enfant pour être vraiment conscient des choses et de son existence.

 
 
 

Quand il vient au monde il ne sait rien et ne comprend pas ce qui se passe tout autour de lui. Et ça ne le satisfait absolument pas. Il sent bien alors que le seul moyen d'en savoir davantage est d'arriver à se servir de la langue qu'il entend, la « boite à outils » de communication dont ses parents se servent. Et ce n'est qu'en y arrivant qu'il montre qu'il est une « personne » en s'exprimant par les questions qu'il pose. Et ensuite par le fait qu'en apprenant à parler il lui arrive de déformer des mots, voire même d'en inventer, une prise d'initiative dans la modification des « outils » internes au langage qui est bel et bien le propre de l'être humain.

 
 
 

C'est un long travail intellectuel sollicité par l'âme d'une personne cherchant à entrer en relation avec les autres alentour. Mais tout ceci ne se peut pas avant la naissance car il est bien évident que toute communication est parfaitement impossible aussi longtemps qu'on est à l'intérieur du ventre maternel. On peut alors se poser la question de savoir pourquoi il serait prévu qu'il y ait déjà une âme, laquelle n'aurait pas les moyens de faire ce travail de « recherche » avec ce qui peut se percevoir tout autour de soi.

 
 
 

Elle arrive un peu comme la flamme de l'allumette ou du briquet provoquant le feu. Mais le problème c'est de savoir quand exactement se produit cette espèce « d'allumage ». Le plus honnête ce serait de dire qu'on n'en sait rien, le fait de croire que cela se situerait juste à la conception de l'œuf en particulier n'étant qu'un confort pour l'esprit qui a quelque chose de purement théorique.

 
 
 

Si la glande mammaire ne se développe qu'à la puberté de la fille par exemple c'est parce qu'avant elle n'est pas utile. De même il est permis de supposer de par la volonté divine même qu'il faille un minimum de développement du fœtus avant qu'il ait une âme, celle-ci n'arrivant qu'à un instant qu'on ne connaît pas précisément, donc entre la conception initiale où il n'y a qu'un foisonnement de cellules effectuant leur travail de construction et celui où l'organisme est assez formé pour être viable à l'extérieur du ventre maternel.

 
 
 

En fait cela pourrait se voir à partir du moment où un prématuré est capable de survivre. Car la seule différence entre un individu après sa naissance et avant, c'est que dans le premier cas il prend avec ses propres poumons de l'oxygène qui dans le second lui vient de sa mère par l'intermédiaire du cordon ombilical.

 
 
 

Affirmer que le fœtus est un être humain est sans doute exagéré. On devrait se contenter de dire qu'il pourrait l'être, et pas forcément dès le début, donc avec la nuance de doute atténuant le degré de « criminalité » pour qui voit une IVG comme tel. Mais cela devrait tout de même inciter celles qui y seraient portées d'éviter si possible de commettre ce qui pourrait être vu comme un meurtre, si l'enfant est formé surtout, mais à considérer comme le plus léger qui soit.

 
 
 

Car en fait il y a plus que des nuances dans la manière de tuer un être humain. En France sous l'ancien régime certaines condamnations à mort se faisaient en public et au terme de supplices affreux alors qu'à présent cela se fait en prison par injection intraveineuse qui fait perdre connaissance et évite la douleur, aux États-Unis par exemple. Ce qui laisse à penser qu'il ne faut pas se contenter de colorer en noir la suppression de la vie humaine, le « péché mortel » pour qui enfreint la loi du : « Tu ne tueras point ! » Car si on ne fait plus souffrir comme autrefois en exécutant un condamné à mort c'est parce qu'on est conscient de ce que cela aurait d'indigne ou, pour parler plus crûment, de « dégueulasse ».

 
 
 

Eh bien une telle différence pourrait être vue comme équivalente à celle qu'il y aurait entre la mise à mort administrative de l'adulte dont la souffrance est de se « voir mourir » et celle appliquée à un fœtus qui n'a pas assez de maturité pour se rendre compte de quoi que ce soit et donc de sa fin. Et c'est tout aussi valable avant ou après la naissance, la conscience n'étant effective qu'au bout de deux ou trois ans au moins. Et donc si on poursuit pour la mise à mort d'un nouveau-né et pas pour celle d'un fœtus, c'est juste parce que dans le premier cas cela se voit davantage, un point de vue « épidermique » en somme.

 
 
 
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