LA CONSCIENCE DU DANGER IMPORTE PLUS QUE SON NIVEAU
 
 
 

Tout domaine d'activité comporte des risques mais cela ne correspond pas aux situations les plus dangereuses de façon systématique. Un accident n'est qu'un hiatus ultime, la partie émergée de l'iceberg. Le nombre de fois où on l'évite de justesse est bien plus important que celui où il se produit. Cela pourrait être un peu l'équivalent d'une pyramide dont la base en serait tous les cas de figure où l'accident a failli se produire sans avoir de conséquence fâcheuse, et le sommet celui où il est bel et bien arrivé. Mais plus on porte son attention sur un risque, plus la « pyramide » a une base étroite, et donc un sommet filiforme.

 
 
 

Le degré de dangerosité ne va pas de pair avec le nombre d'accidents et même c'est souvent le contraire. Par exemple on voit un laveur de carreaux travailler sans être attaché à l'extérieur d'un immeuble alors qu'il n'a qu'un petit rebord sous ses pieds et qu'il se trouve à plusieurs étages de hauteur. Et ça peut durer ainsi des décennies sans que cet homme ne tombe. C'est sans doute parce que dès qu'il est dans cette situation il se met dans un état de vigilance extrême et mesure le moindre de ses gestes avec une précision absolue en étant conscient que c'est indispensable à sa survie. Et cela vaut tout autant alors que la corde qui devrait lui servir de sécurité, mais dont il se passe sans doute à cause de la gêne qu'il éprouverait à travailler avec.

 
 
 

Par contre un enfant chez lui peut se blesser pour trois fois rien parce qu'il n'a pas la même conscience du danger. Il va tripoter les boutons d'une cuisinière à gaz, manipuler un appareil électrique, se coincer les doigts dans une porte, ou encore prendre les comprimés d'un médicament pour des bonbons. Il peut être aussi à déambuler auprès d'une piscine au risque d'y tomber. Et s'il est en bas âge et qu'on le baigne, il lui prend l'envie de tourner les robinets, par jeu. Il ne faut alors jamais le laisser seul dans ce cas si on ne veut pas qu'il se brûle, car le mélange entre l'eau chaude et l'eau froide se fait à leur niveau, et parce que la réaction d'un chauffe-eau au gaz est toujours très rapide.

 
 
 

Soit dit en passant, dans ce cas particulier il y aurait peut-être moyen d'éviter un tel danger grâce à un ballonnet intermédiaire qui fournirait la salle de bain. C'est lui qui devrait être alimenté par de l'eau froide et chaude en provenance du chauffe-eau, et être muni d'un thermostat qui ne le ferait se déclencher que pour avoir le mélange à une certaine température voulue.

 
 
 

Enfin bref, toutes les statistiques sont là pour dire qu'on court plus de risque à être dans sa propre maison qu'au travail avec les accidents domestiques même si l'impression d'être en sécurité y est plus grande. D'ailleurs des adultes aussi peuvent faire preuve d'une certaine inconscience. Par exemple en couchant un nouveau-né sur le ventre au risque qu'il s'étouffe du fait que le poids du corps est sur ses côtes et qu'il ne peut pas repousser de ses mains des éléments de literie pouvant gêner sa respiration.

 
 
 

Accoucher dans l'eau peut également être dangereux. Les poumons d'un fœtus sont un peu comme une éponge comprimée qui n'a jamais servie, mais ils sont prêts à fonctionner à la sortie du ventre maternel. C'est en effet indispensable pour que l'alimentation en oxygène ne s'interrompe pas à la rupture du cordon ombilical. Ils se desserrent dès que le thorax est dégagé en aspirant le milieu ambiant qui devrait normalement n'être que de l'air. Mais si la tête reste trop longtemps dans l'eau parce que le bas du corps ne s'est pas dégagé assez vite, l'enfant risque alors de se noyer.

 
 
 

La conscience d'un extrême danger peut amener à faire des choses aux limites du possible. Ainsi devait-il en être dans l'hélicoptère venu chercher une femme enceinte pour l'amener à la maternité de Bastia, mais qui s'écrasa au retour en tuant tous ses occupants à cause du mauvais temps. Si on s'était empressé d'y aller c'est parce que l'accouchement s'annonçait comme difficile. Or celui-ci eut pourtant bel et bien lieu dans l'hélicoptère au cours des vingt minutes que dura le voyage avant le crash. Ce qui laisse à penser que la principale intéressée se rendait parfaitement compte à quel point la situation était périlleuse au vu des conditions météorologiques responsables de la perte de l'appareil, provoquant sans doute en elle une forte accélération du travail.

 
 
 

Il y a aussi des prises de conscience collectives du risque couru en fonction des informations, mais aussi d'un certain parti pris. Et c'est ce qui conduit parfois à des emballements populaires sur des facteurs soi-disant dangereux au dépens d'autres qui le sont davantage en fait, ce qui confine parfois à l'absurdité. Ainsi en aura-t-il été d'un boycott de la viande de bœuf quand le risque d'attraper la maladie de Creutzfeldt Jakob fit la une de l'actualité. Or celle-ci n'a fait en tout et pour tout qu'une quinzaine de morts en France depuis ses débuts.

 
 
 

A contrario, même si les experts en matière de santé publique sont unanimes à dire que le tabac est responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts par an en France, on voit toujours autant de gens qui fument, chose qui pourrait se considérer comme une drogue parmi d'autres qui sont plus « dures » sans être tellement plus nocives en fait. Si ce n'est que pour le stress, mieux vaudrait se contenter de médicaments, même s'il est vrai que chez nous on en est déjà les plus gros consommateurs au monde.

 
 
 

En sens inverse les organismes génétiquement modifiés sont vus comme assez nocifs par certains pour qu'ils se permettent d'aller les arracher chez ceux qui les cultivent, maïs en particulier, alors que le nombre de morts ou simplement de malades en découlant est pratiquement inconnu du grand public. Mais il ne viendrait pas à l'idée de s'en prendre aux buralistes vendant des cigarettes, qui font vraiment mal pourtant, parce que ce ne serait pas convenable sans doute.

 
 
 

Un autre problème est celui de l'impact de l'homme sur sa planète depuis la fin du dix-neuvième siècle, car il menace sa survie. Avant c'était négligeable parce que son espèce comptait moins d'un milliard d'individus et que ceux-ci vivaient bien plus pauvrement qu'actuellement. Mais les progrès faits depuis en matière d'hygiène et de médecine conduisent à une augmentation très rapide des êtres humains par une diminution de la mortalité, infantile surtout. Et la « révolution industrielle » conduit à une utilisation de moyens techniques qui démultiplient les possibilités de vivre plus confortablement. Mais les revers de ces médailles c'est que le cumul de ces deux facteurs fait que les besoins et la pollution dans le monde ne cessent d'augmenter d'une façon considérable.

 
 
 

D'où la diminution de la couche d'ozone, la disparition d'espèces vivantes et un réchauffement de la planète constaté par la fonte des glaciers en particulier. La cause en est l'augmentation du taux de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, dioxyde de carbone surtout, parce qu'on brûle en quantité du pétrole, du gaz et du charbon, fort utiles pour la consommation courante il est vrai, mais dont on ne pourra pas se servir indéfiniment, car ce sont des énergies fossiles dont les quantités sont limitées. À cela s'ajoute la consommation croissante de viande, ruminants en particulier qui rejettent du méthane dont l'effet de serre est plus fort que pour le dioxyde de carbone.

 
 
 

Mais dans ce que font les gouvernements il y aurait tout de même une certaine contradiction à promouvoir la croissance économique, vue comme la panacée à la pauvreté, tout en cherchant à protéger l'environnement afin que la vie sur la planète soit possible pour une durée qui se voudrait illimitée. Or les deux sont difficilement compatibles. Il faudrait pouvoir remplacer les énergies fossiles, si commodes d'utilisation, par autre chose d'aussi performant pour satisfaire aux besoins toujours croissants de notre humanité tout en étant moins nocif sur les points évoqués.

 
 
 

Pour cela le nucléaire faisant de l'électricité par ses centrales serait à première vue la meilleure solution parce qu'à volume égal il produit davantage d'énergie que n'importe quelle autre source, sans avoir les inconvénients relatifs à l'effet de serre. Le seul ennui c'est qu'il fait peur, un peu comme pour les gaulois qui craignaient que le ciel leur tombe sur la tête les jours d'orage. En l'occurrence ils ne firent jamais que ressentir les effets naturels de l'électricité qui ne sera domestiquée par l'homme qu'à la fin du dix-neuvième siècle.

 
 
 

De même le nucléaire existe à grande échelle dans le Soleil, lequel n'est jamais qu'une vaste bombe à hydrogène d'une taille telle que, s'étant déclanchée il y a cinq milliards d'années, son explosion mettra autant de temps à être effective en détruisant la Terre. En fait à présent, s'il ne s'agit que du nucléaire civil, les victimes d'irradiation accidentelle sont moins nombreuses que celles pour tout un tas d'autres raisons : au travail à manipuler des produits dangereux comme l'amiante, ou qu'il s'agisse des accidents de la route ou domestiques, du tabac, de la drogue, de la consommation d'alcool, etc. Il suffit de regarder autour de soi parents, amis et connaissances pour se rendre compte que ce n'est en rien honnêtement comparable.

 
 
 
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