L'INTERDÉPENDANCE ENTRE POUVOIR LÉGISLATIF ET EXÉCUTIF
 
 
 

On considère en général que le principe de la séparation des pouvoirs qu'avait préconisé Montesquieu est une bonne idée qu'on se devrait d'appliquer autant que possible, mais pratiquement c'est loin d'être le cas. Par exemple en France si le Président de la République exerce son droit de grâce c'est bien le pouvoir exécutif qui empiète un peu sur le pouvoir judiciaire. Et ceci est d'autant moins normal que le chef de l'État n'a ni le temps ni les moyens d'examiner comme il le faudrait le problème de chaque délinquant, se contentant alors de se référer aux suggestions de gens mieux informés que lui pour prendre une décision.

 
 
 

Encore ne pourrait-on voir là qu'un léger accroc à la règle de la séparation des pouvoirs. Mais entre l'Exécutif et le législatif c'est encore moins le cas dans la plupart des pays démocratiques, le premier dépendant du second à l'exception non négligeable des États-Unis d'Amérique. Par contre dans la presque totalité des autres démocraties le pouvoir exécutif émane plus ou moins du Parlement qui le plus souvent lui accorde l'investiture au début et peut éventuellement le renverser par la suite s'il y a une majorité pour cela.

 
 
 

Le problème en France se pose en particulier lors des cohabitations qui rendent l'Exécutif « bicéphale » en quelque sorte, cas de figure où le suffrage universel en arrive à se contredire. En effet le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif qui avaient été créés aux élections précédentes se retrouvent dans deux directions diamétralement opposées, l'un à droite et l'autre à gauche, alors qu'ils sont bel et bien appelés à travailler ensemble pour gouverner la nation.

 
 
 

En France sous la Cinquième République chacun des deux pouvoirs est capable de « détruire » l'autre à sa façon. Il y a d'un coté le Président de la République qui peut dissoudre l'Assemblée nationale, mais sans pouvoir le refaire à moins d'une année pleine. Et de l'autre cette dernière peut renverser n'importe quand par contre le gouvernement en exercice par une motion de censure s'il y a une majorité pour cela. Or ce dernier avait été constitué selon la volonté du chef de l'État avec pour objectif d'exécuter le programme qui lui avait servi d'argument lors de son élection.

 
 
 

Le fait que l'une ou l'autre de ces éventualités se produisent est un désaveu du suffrage universel qui est quand même à l'origine de l'existence de chacun des deux pouvoirs. Mais si le corps électoral est ainsi mis en contradiction avec lui-même ce n'est pas de sa faute mais tout simplement du système politique dont on dispose à l'heure actuelle.

 
 
 

Il est vrai que le renversement du gouvernement a pratiquement disparu avec le changement de mode d'élection des députés sous la Cinquième République, la proportionnelle en vigueur sous la Quatrième étant remplacée par le scrutin uninominal à deux tours aux législatives. Mais cette médaille a un gros revers c'est que les tendances à l'Assemblée sont un reflet déformé de ce qu'il en est dans le pays, la différence en pourcentage entre le poids électoral d'un parti et sa représentation au Parlement pouvant varier du simple au double. Cela peut donner au pouvoir une majorité absolue (absente dans le pays en fait) ou pour le moins empêcher d'en avoir une contre lui, lui permettant de gouverner à son aise. Mais c'est quand même une injustice, surtout pour les petits partis.

 
 
 

C'est sans doute alors pour en atténuer le sentiment qu'il existe également en France ces « contre-pouvoirs » que sont le Sénat et le Conseil constitutionnel qui peuvent contredire des votes à l'Assemblée nationale. Mais ils ne sont que pis-aller en fait, la façon dont sont créés l'un comme l'autre étant encore bien moins représentative de la volonté populaire.

 
 
 

Le Sénat se renouvelle par tiers tous les trois ans au suffrage universel indirect en sous-produit des élections cantonales. Du coup il évolue si lentement de par ses tendances que la droite se sera toujours vue en majorité sous la Cinquième République. Donc sa raison d'être se discute. C'est d'ailleurs sur un référendum tendant à le faire disparaître mais où le « NON » l'emportera que le général De Gaulle s'en ira. Mais si la représentation des tendances à l'Assemblée nationale était un reflet vraiment fidèle du corps électoral il serait alors raisonnablement possible de s'en passer.

 
 
 

Quant au Conseil constitutionnel il ne compte que neuf membres. Tous les trois ans le Président de la République en désigne un, celui de l'Assemblée nationale un autre et celui du Sénat un troisième. S'y rajoutent les anciens chefs de l'État qui en sont membres de droit. Son rôle est surtout de contrôler la conformité à la Constitution des lois, quelque chose qu'on peut toujours discuter et qui a un coté un peu pointilleux quand même. Et donc là aussi on pourrait se demander si c'est vraiment utile de le conserver pour un tel usage.

 
 
 

Finalement le point le plus fondamentalement défectueux dans presque toutes nos démocraties exceptés les États-Unis d'Amérique c'est cette interconnexion entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. C'est elle qui oblige à de telles astuces, particulièrement en France où le peuple est donc mal représenté. Mais si ce n'était pas le cas on pourrait avoir un reflet fidèle de toutes les tendances dans le pays en appliquant la proportionnelle intégrale pour créer l'Assemblée nationale, ce qui serait à la fois plus juste et plus naturel.

 
 
 

Moyennant quoi il n'y aurait pas besoin non plus de faire tous ces référendums qui sont eux aussi une autre forme de compensation aux défauts du régime. Et même pour eux encore faudrait-il poser les bonnes questions. Si le « NON » l'a emporté à ceux relatifs à la Constitution européenne le 29 mai 2005 en France et le 12 juin 2008 en Irlande en particulier c'est probablement aussi parce que le texte de base qu'on avait distribué à chaque électeur était si compliqué que bien des gens n'y comprenant rien ne l'ont pas approuvé, sans doute alors par méfiance envers ceux qui leur présentaient quelque chose d'aussi obscur.

 
 
 

En France l'opposition se cantonne traditionnellement dans une critique stérile systématique du gouvernement qui est fréquemment interpellé à l'Assemblée nationale et qui doit continuellement se justifier des moindres décisions prises. Le tout dans une ambiance houleuse qui ne donne qu'une bien piètre image de la représentation parlementaire au peuple français, et pas seulement.

 
 
 

Mais si on est dans une telle situation c'est une façon sous-jacente de signifier que le pouvoir exécutif qui est maître des lieux par de tels artifices propres à la Constitution ne représente pas en fait le « peuple souverain » comme il devrait le faire normalement et qu'il déborde de son pouvoir en ayant une aussi forte influence sur le législatif. Et c'est exactement la même chose d'ailleurs que le gouvernement en place soit « de droite » ou « de gauche ».

 
 
 
Page d'accueil alain.marchand9@free.fr